Monsieur ?

Pas de bol, le texte concernant le Sire est illisible actuellement - quelqu'un a malencontreusement fait tomber sa tasse de café dessus. Un peu de patience et, avec un peu de chance, peut-être parviendrons-nous à retrouver le parchemin original...

Monsieur. L'Homme. Le Sire. Murphy. Putain d'Merde. Toutes ces appellations qui me correspondent me furent données au cours des millions de millénaires d'existence que j'ai traversé depuis ma maudite carcasse.

On me dit malchanceux. Malade, fatigué ou infortuné, je suis celui qui entraîne l'inattendu sur la mauvaise pente de tout un chacun. On dit souvent le malheur des uns fait le bonheur des autres – rien n'est plus vrai et après toutes ces années, j'ai transformé cette malédiction en don.


Je viens du début des temps. Lorsque les premiers émergèrent l'un d'entre eux décida de se scinder, de se mutiler. Je suis comme l'appendice, l'organe inutile de trop qui vous ronge et qu'on jette après l'avoir péniblement extrait de soi-même. La Chance me renia alors.

Ma colère fut immense et nos batailles titanesques. Le monde tremble encore de nos guerres, mais nous ne fûmes pas les seuls à déchirer les cieux en ces temps troublés.
Mais, les éons passants, la grande Guerre des Saisons arrivant, notre fougue se tarit. Nous ne nous tirions plus dans les pattes presque que par automatisme.

Alors la Chance me sourit. Voyante, elle me convainquit de participer à un projet, un projet fou pour sauver la création. Que m'importait la création ? Je voulais la détruire ! Mais déjà je n'y croyais plus. Avec son aide je m'élançais à travers l'interdit du temps… pour me retrouver bloqué.
Bloqué. Incapable de retourner en arrière. Alors c'était ça. Me faire passer pour un être ignoble, menaçant les gens pour les forcer à m'accepter, tout ça pour me tendre un piège aussi misérable… Mais tout ne s'était pas passé comme elle l'avait prévu. J'avais un siècle d'avance, et je comptais bien l'utiliser.

Une rage aveugle s'est emparée de moi. Elle qui se targuait ne n'avoir jamais eu recours au rituel de réincarnation, j'aillais la tuer, l'écraser, la piétiner. Et si ce n'était pas suffisant, je le referais, encore et encore, jusqu'à ce que rien ne la sauve de la folie et alors, seulement alors, je transpercerais son âme du froid glacial du néant.
Après quelques années de recherche, je la retrouvais. Sa fin était proche. J'avais appris à conduire les camions exprès pour l'occasion, quelle malchance plus commune que celle de l'accident routier ? Je la voyais, la peur dans son regard, tandis que mon bolide envoyait ses tonnes pour son anéantissement.
Et ce fut le choc. Une lumière, quelque chose me fit comprendre. Elle ne m'avait pas mentit. Elle ne m'avait pas tendu de piège. C'était moi. Moi et ma foutu malchance qui avait fait buger la machine, foirer le rituel. Au final, tout était de ma faute. Je braquais pour l'éviter – trop tard.

Plus tard, je la retrouvais, dans sa seconde incarnation. Je lui ai pourris la vie, mais sans conviction. Je lui en voulais toujours pour ce qu'elle m'avait fait des millions d'années auparavant, mais le cœur n'y était plus.
Je ne savais que penser. De loin, sa nouvelle incarnation semblait pire que la précédente. Comment lui faire confiance ? Alors, je l'ai un peu malmené, de ci de là, mais jamais mis réellement en péril. Sans en avoir l'air, je l'aidais un peu aussi – elle semblait être de venue amnésique.

Au final, nous nous sommes retrouvé. Elle avait l'air sincère et désolée. J'ai évidemment cru à une nouvelle ruse, elle qui fut une des plus grandes manipulatrices. Mais je n'avais pas le moindre indice pour m'aiguiller sur cette piste. Alors, sans savoir vraiment pourquoi, je décidais de lui faire confiance. Sauver le Mist… Pourquoi pas ?

Et là, cruelle, l'ironie m'apparut dans toute sa splendeur. Même ça, j'en serais incapable. Je n'emmenait sur mon sillage que malheur et tristesse. La Mort eût rit de moi, s'il me voyait. Après tant de temps, lorsque nous décidions enfin de nous aider plutôt que de nous combattre nous en étions incapable ! C'est peut-être ça le Dan. Quoi qu'on fasse on le rejoint toujours et au final le hasard n'et qu'illusion.

Voilà que je commençais à croire en ces sornettes. Brusquement, je pris une résolution. J'était – nous étions – la preuve que le Dan n'est qu'une farce pour effrayer les jeunes sprites. Mais j'avais un plan.
Je quittais la Dame, la laissait à ses rustres et ignorants d'amis, et repris mon camion pour partir. Loin.